Paul Mirabel et Black Mirror.
Il existe un lien, ou une forte résonance d’apparence improbable entre l’épisode San Junipero de la série Black Mirror et l’étoile montante du stand up Paul Mirabel.
Ce dernier, un beau jeune homme au physique et à l’esprit atypiques, apparaît comme le splendide révélateur de ce qui manque cruellement dans nos vies depuis bien longtemps : les rêveries poétiques, l’ingénuité, la gentillesse voire la bonté, tous ces nobles sentiments que l’individualisme obsessionnel est en train de détruire via les réseaux sociaux.
Le sentiment amoureux, s’il se déclenche souvent pour des raisons inintelligibles – qui ne s’est jamais dit avec le recul « mais qu’est-ce qui m’a pris de tomber amoureuse de ce truc ? » –, a besoin de se nourrir de la pureté de l’âme et des sentiments pour atteindre l’inconditionnalité de son existence.
La pureté, c’est – selon la définition du Larousse – la qualité de ce qui est pur, non pollué, sans souillure ni tache morale.
Je ne connais pas ce garçon personnellement, mais il est pour moi l’incarnation du héros romantique en phase d’extinction. Sa présentation au monde – écriture soignée, garçon lucide et drôle sur ses vulnérabilités, ses échecs amoureux, sa fragilité physique, ses peurs que peu d’hommes osent avouer –, redonne à la masculinité toute la richesse et l’élégance que ce monde rude, sans passion ni poésie essaie de lui retirer. Mais pas seulement. Il émane de lui, en plus de son intelligence et de son courage, une aura douce et bienveillante qui rendrait sexy et irrésistible n’importe quel individu, que ce soit un homme ou une femme.
L’amour ainsi exprimé, quand il est dénué de toutes manipulations, d’égoïsmes névrotiques ou de jeux narcissiques navrants, réveille nos aspirations les plus essentielles que les écrans et la multiconnectivité ont grièvement atrophiées : la quête en soi et chez l’autre de la pureté des sentiments.
Plus nos sentiments sont purs, plus le divin est visible, plus la magie se manifeste.
Alors qu’en est-il de ce fameux lien entre Paul Mirabel et l’épisode d’une série dystopique anglaise ?
Quand j’ai vu l’épisode 4, saison 3 de la série Black Mirror, j’ai eu du mal à m’en remettre, sans comprendre immédiatement pourquoi. Il raconte une histoire d’amour entre deux personnages radicalement différents, l’exubérante Kelly (Gugu Mbatha-Raw) et Yorkie (Mackenzie Davis), une jeune femme timide et complexée qui n’a pas conscience de sa beauté. Elles se retrouvent quelques heures par semaine dans le cloud, après avoir été uploadées dans une simulation de la station balnéaire San Junipero, au cœur des années 80.
C’est le personnage de Yorkie ici qui est bouleversant. On comprend que cette jeune femme de 21 ans, pour des raisons que je vous laisse découvrir, n’a pas eu le temps de vivre sa vie amoureuse et sexuelle, ni même de s’amuser. Elle ne sait pas comment gérer le coup de foudre qu’elle a pour Kelly quand elle la remarque en boîte de nuit, et c’est la façon dont elle va exprimer ce malaise et son inexpérience des relations affectives qui va la rendre désirable au-delà de toute résistance possible.
Une scène courte et percutante montre parfaitement cela. Yorkie suit Kelly dans les toilettes du club pour se retrouver seule avec elle. On comprend qu’elle veut aller plus loin, mais cette dernière ne sait pas comment procéder. Désemparée, elle va lui dire avec une totale sincérité :
— I don’t know how to do this.
— Do what ?
— Just help me. Can you just… just make this easy for me.
Au-delà du jeu de ces deux actrices qui est d’une étonnante justesse, c’est à nouveau la notion de la pureté des sentiments qui revient exprimer son manque dans nos quotidiens surpixellisés.
Qui aujourd’hui est capable d’exposer avec autant d’honnêteté ses vulnérabilités, sinon les vrais grands personnages romantiques, celles et ceux que l’on rêve de croiser un jour, au moins une fois dans sa vie.
Les recherches que j’ai faites sur cet épisode ont conforté ce que je pensais sur la raréfaction de ces qualités : San Junipero est l’épisode de la série le plus aimé, le plus vu, le plus commenté, le plus récompensé, au point que ses créateurs envisagent de lui donner une suite.
Ce n’est pas un hasard.
De plus, il se trouve que Paul Mirabel et le personnage de Yorkie se ressemblent de façon troublante, physiquement et émotionnellement (les deux sont grands, minces, retenus dans leurs mouvements). J’espère qu’il ne m’en voudra pas de comparer sa beauté à celle d’une femme, surtout quand il s’agit de la superbe actrice canadienne Mackenzie Davis. (Au meilleur de ma forme, j’arrive à ressembler à un surfeur californien ayant contracté la ménopause, donc il s’en sort plutôt bien.)
Le personnage de Yorkie est fictif, Paul Mirabel ne l’est pas.
La seule existence de ce jeune homme me redonne l’espoir qu’une humanité empreinte d’élégance et de bonté romanesque reste, peut-être, encore envisageable.
J’ai toujours refusé de signer un pacte avec mon diable imaginaire s’il devait m’offrir de recommencer une vie en ayant 25 ans à nouveau. J’avoue que j’accepterais aujourd’hui sans hésiter si la clause du contrat incluait un dîner en tête à tête avec cet artiste. Si le courant devait passer lors de cet hypothétique retour en arrière, il est fort probable que c’est moi cette fois qui prendrais une veste. Mais ça aurait valu la peine d’essayer. Au pire, j’aurais gagné un bel ami.
— J’ai pris beaucoup de vents dans ma vie, à tel point que j’ai la sensation d’être une éolienne. En toute honnêteté, je pense que j’ai participé à sortir la France du nucléaire . Paul Mirabel
Il va se produire au théâtre du Splendid à partir du 21 avril 2021, et ce spectacle auquel je ne pense pas pouvoir assister, sera mon seul regret d’avoir quitté Paris.
Sylvie Bardet
Auteure de thrillers psychologiques et de romans policiers.
BLACK MIRROR
SYLVIE BARDET
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